Prêt libellé en franc Suisse ou dans une autre devise que l’euro
01. Le problème des prêts libellés en devise étrangère (autre que l’euro)
Certaines banques proposent aux particuliers des prêts en devise étrangère comportant des risques de change, en mettant en avant des taux d’intérêt plus faibles que ceux appliqués aux prêts en euro et une faible variation du taux de change.
Il n’est pas rare que la clientèle visée soit constituée de ménages « frontaliers », c’est-à-dire résidant en France et dont l’un au moins des membres dispose de revenus d’activité en devise étrangère.
Il peut s’agir également de particuliers n’ayant aucun revenu en devise étrangère, mais agissant dans le cadre d’un montage financier défiscalisant.
Un très fort contentieux est né s’agissant des prêts libellés en franc suisse mais remboursables en euros. En effet, le risque présenté par de tels prêts était mal analyse par nombre d’emprunteurs.
02. La recommandation de l’ACPR
Ce faisant, l’ACPR a émis une recommandation 2012-R-01 du 6 avril 2012, dont les principales caractéristiques sont détaillées ci-après.
D’une part, l’ACPR recommande des bonnes pratiques sur la sensibilisation des personnes qui commercialisent des prêts comportant un risque de change.
D’autre part, elle pose le principe d’assurer aux emprunteurs une information claire, sincère et transparente sur ces prêts dans le cadre : des communications à caractère publicitaire ; de l’explication fournie au client préalablement à l’octroi du prêt ; et de l’information remise annuellement à l’emprunteur.
03. Les prêts visés par cette recommandation de l’ACPR
Ces bonne pratiques doivent trouver à s’appliquer en matière de crédits à la consommation, de crédit immobiliers et de prêts encadrés par des dispositions du code civil, ci-après « les prêts ».
04. Les entités soumises au respect de cette recommandation de l’ACPR
Les entités devant les respecter sont les établissements de crédit et les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement (ci-après « les établissements de crédit »).
05. Les recommandations relatives à la sensibilisation des conseillers en contact avec la clientèle
Les établissements de crédit doivent s’assurer que les informations communiquées à l’emprunteur lui permettent de bien appréhender l’ensemble des risques liés aux prêts comportant un risque de change et, ainsi, d’accepter l’offre de crédit de manière éclairée.
L’information transmise pendant l’exécution du contrat doit tendre aux mêmes fins.
06. Les recommandations relatives à la publicité
L’objectif visé est d’assurer que la publicité à destination de l’emprunteur ne privilégie pas les caractéristiques les plus avantageuses au détriment des risques inhérents à l’opération.
Ce faisant, cette publicité se doit de :
– présenter, de manière équilibrée, les avantages et les inconvénients de l’opération de prêt ;
– mentionner, de manière claire, apparente et compréhensible pour l’emprunteur, le risque de change associé à l’opération et ses conséquences ;
– veiller à ce que la présentation du risque de change ne minimise pas sa possibilité de survenance, ni l’ampleur potentielle des mouvements de change ;
– veiller à ce que la présentation n’utilise pas comme argument commercial la stabilité ou la faible variation du taux de change d’une devise par rapport à une autre ;
– veiller à ne pas laisser entendre que le prêt comportant un risque de change améliore la situation financière ou le budget de l’emprunteur ou permet un gain financier par rapport à un prêt ne présentant pas un tel risque.
07. Les recommandations relatives aux explications devant être fournies au client avant la conclusion du prêt
Il est recommandé aux établissements de crédit d’expliquer à l’emprunteur, lors de la proposition, le risque de change associé au prêt par la remise d’un document distinct de tout autre, lequel se doit :
- d’avertir clairement l’emprunteur sur le fait que le taux de change peut évoluer, à tout moment, à la hausse ou à la baisse et avoir des conséquences financières importantes sur le coût total du prêt ;
- de décrire le risque de change que l’emprunteur supporte, directement ou indirectement, à chaque étape de l’exécution du contrat, notamment entre la date de signature de l’offre et celle du déblocage total des fonds ;
- d’indiquer les modalités d’accès au taux de change applicable (notamment l’adresse électronique) ainsi que le jour de référence pris en compte pour effectuer cette conversion ;
- de préciser la nature des frais éventuellement perçus lors des opérations de change ainsi que leur montant ou les modalités de calcul permettant de le déterminer ;
- de préciser si l’offre prévoit ou non la possibilité de convertir le prêt comportant un risque de change vers un prêt en euro et, dans l’hypothèse où cette faculté est prévue, mentionne ses modalités précises ;
- de présenter des simulations, établies en fonction des caractéristiques de fonctionnement du prêt, visant à illustrer les impacts d’une évolution du taux de change dès qu’il peut survenir.
08. L’intervention du législateur
Devant le caractère prolixe du contentieux judiciaire généré par de tels prêts, le législateur est finalement intervenu.
Il découle des termes de l’article 3 de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 qu’un nouvel article L. 313-64 a été inséré au code de la consommation.
Les emprunteurs ne peuvent contracter de prêts libellés dans une devise autre que l’euro, remboursables en euros ou dans la devise concernée, que s’ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise au moment de la signature du contrat de prêt, excepté si le risque de change n’est pas supporté par l’emprunteur.
Au plus tard à l’émission de l’offre de prêt, le prêteur informe l’emprunteur des risques inhérents à un tel contrat de prêt et des possibilités éventuelles de conversion des remboursements en euros en cours de prêt leur sont précisées.
Au jour de la rédaction de la présente chronique, le décret en conseil d’application n’est pas encore paru au journal officiel.
Il est permis de se demander si l’établissement de crédit devra vérifier les déclarations de l’emprunteur relatives à la perception de revenus ou à la détention d’un patrimoine en devise étrangère. À cet égard, si l’on raisonne par analogie à la déclaration de patrimoine de l’emprunteur faite au moment de solliciter un prêt (aux fins de détermination de sa capacité d’emprunt), il est permis de penser qu’il ne pèsera aucune obligation de vérification sur l’établissement de crédit, sauf à ce que ces déclarations comportent des anomalies apparentes.
La notion de patrimoine en devise ne nous apparaît très explicite. Il est probable qu’un contentieux va naître à cet égard, qui devra être réglé par la jurisprudence.
Le sort des prêts en franc suisse ou en devises étrangères autre que l’euro ne semble donc pas définitivement scellé.